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Sur la route de Chouchi à Erevan
En cette dernière semaine de mai, sur la route du nord qui se faufile à travers les montagnes, du barrage de Sarsank jusqu’au lac Sevan, je partage à chaud mes réflexions avec David et Haroutioun venus de Montréal et de Glendale pour se réunir avec des juristes et des représentants des droits de l’homme de la Diaspora et de l’Artsakh.
Et avec un peu de retard avec les lecteurs d’armenews.
Des rencontres avec des gens simples, des enseignants de l’École Professionnelle Yeznig Mozian, des chauffeurs de taxi, des responsables gouvernementaux, et de jeunes intellectuels, m’incitent à noter leurs pensées et leurs sentiments. A les partager en France, après 30 ans et 40 voyages en Arménie.
Le sourire est partout sur les visages, la parole est libérée, le changement est dans l’agenda de chacun. La patience y est inscrite également: « quand on a réussi une révolution aussi exemplaire en quelques semaines on peut attendre un peu avant d’obtenir des résultats tangibles » disent-ils. En effet le mouvement populaire massif n’a pas fait couler une goutte de sang. C’était impensable quand on sait que depuis 20 ans la population a été spoliée et meurtrie (cf mon opinion sur « Vérité, Justice et …Réconciliation ») et que des hommes sans foi ni loi prétendaient rester encore 20 ans à proximité des flux d’argent qui traversent le pays et dont près de 60% finissaient dans les poches des 5% les plus privilégiés.
« Non plus jamais ça » disent tous ceux qui entendent donner un avenir à leurs enfants avec:
• une éducation meilleure que l’actuelle, dégradée par un système
corrompu qui n’incitait pas à l’étude mais à l’achat des diplômes.
• un emploi correspondant à leur formation. Dans le secteur des nouvelles technologies, des énergies renouvelables, et de l’agriculture, il y a ici paradoxalement plus de postes ouverts que de cadres qualifiés pour les occuper.
L’Arménie et l’Artsakh sont des pays fabuleux. La nature et la culture débordent de générosité. Les gens ont un comportement modeste et fraternel, leurs paroles sont aimantes et la musique de leur voix nous
rappelle celles de nos grands-mères, rescapées du calvaire, qui nous disaient tendrement: « Ապրիք տղէք բայց մեզ պէս
չ՛ապրիք » ( Vivez les enfants, mais ne vivez pas comme nous ). Ici en terres arméniennes nos sentiments s’entremêlent. Les fils multicolores de la diaspora et du pays se tissent, se renforcent, s’harmonisent pour composer une toile aux dessins caractéristiques de notre région. Là-bas les pierres anciennes des maisons de Chouchi, en rénovation, nous font penser à celle des mas de Haute-Provence. Elles sont chaudes et rondes comme des « tcheuregs » sortant du four.
Nous sommes de ces peuples disséminés de par le monde qui ont la chance d’avoir une terre prête à les accueillir et si besoin à les recueillir. Un pays différent mais qui nous ressemble et vers lequel convergent nos itinéraires singuliers.
Et un peuple qui cherche la paix et le bonheur depuis si longtemps qu’il finira bien par les trouver.
Robert Aydabirian