Revue de la presse arménienne du 27 juillet 2018

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L’audition du deuxième Président de l’Arménie, Robert Kocharian, dans le cadre de l’enquête sur le 1er mars 2008 domine la presse du jour.

Tous les medias indiquent qu’hier après l’interrogatoire du deuxième Président de l’Arménie relatif aux événements du 1er mars 2008, Robert Kocharian a été accusé sur la base de l’article 300.1 du Code Pénal de « renversement de l’ordre constitutionnel par consentement préalable avec des tiers ». Les journaux indiquent qu’une requête a été déposée en vue de la mise en détention provisoire de R. Kocharian. Dans son interview à la chaine Yerkir media, donnée peu après l’interrogatoire, R. Kocharian a indiqué qu’il trouvait absurde l’accusation de renversement de l’ordre constitutionnel « en tant que Président j’étais le garant de l’ordre constitutionnel. Je ne pouvais pas renverser moi-même». « C’était le candidat ayant obtenu 21.5% des votes Levon Ter-Petrossian et ses soutiens qui tentaient de renverser l’ordre constitutionnel». Robert Kocharian a qualifié l’accusation de poursuite politique, de vendetta cachée sous le slogan de la révolution des velours. Selon R. Kocharian, toutes les accusations du Service spécial d’enquête seraient « absolument fausses et auraient une motivation politique ». Selon R. Kocharian, les nouvelles autorités auraient déjà désigné les coupables et chercheraient maintenant des bases juridiques pour étayer les accusations. R. Kocharian a indiqué que lors des évènements du 1er mars 2008, il n’y a pas eu d’affrontements entre les manifestants et l’armée : « le ministre de la Défense et le chef de la Sécurité me l’ont rapporté ». Selon l’ancien Président, pendant la situation d’urgence quand il y a un risque de renversement de l’ordre constitutionnel, la mission de l’armée est de prendre sous contrôle les bâtiments du gouvernement et les installations stratégiques. R. Kocharian avance qu’il avait fait son possible pour ne pas permettre que l’armée soit impliquée. Selon lui des discussions denses auraient lieu au sein de l’Union Yerkrapah[1] pour décider si l’Union devait se joindre aux manifestants ou pas. « J’ai tenu une réunion avec les représentants des forces de l’ordre pour ne pas permettre que l’union Yerkrapah, présidée par Manvel Griorian (qui en 2008 était le vice-ministre de la Défense) rejoigne le mouvement. C’était inacceptable » a déclaré R. Kocharian. Selon l’ancien Président, la décision d’instaurer l’état d’urgence a été prise par lui quand il y a eu la première victime, un capitaine de la police. « Selon des experts, j’aurais même dû le faire plus tôt ». R. Kocharian assure que toutes les procédures de déclenchement de l’état d’urgence ont été respectées. « J’ai consulté le Président de l’Assemblée nationale, le Premier ministre, j’ai instruit le Ministre des Affaires étrangères Vardan Oskanian de notifier les partenaires étrangers, ». Selon R. Kocharian il n’aurait eu aucun retour l’appelant à renoncer à cette décision. « C’était clair pour tout le monde que la situation ne pouvait pas être résolue autrement. Le nombre de victimes pouvait être plus important ». R. Kocharian a exprimé son désaccord concernant le terme « manifestants pacifiques » utilisé par le Service d’enquête spécial pour décrire les manifestants du mouvement de 2008 « il y a eu des voitures mises à feu, il y a eu des policiers battus. Je n’y vois rien de pacifique » a déclaré R. Kocharian. L’ancien Président n’exclut pas la possibilité que, par le biais de ces accusations, les nouvelles autorités cherchent à le neutraliser et empêcher sa participation aux élections anticipées. « Bien que j’avais déclaré que je n’avais plus intention de faire de la politique, les anciennes autorités comme les nouvelles verraient en moi un danger ». R. Kocharian avance que le peuple se souvient que, durant les dix années de sa présidence, le produit intérieur brut (PIB) de l’Arménie avait été multiplié par cinq, les PME prospéraient et que l’activité économique du pays voyait une augmentation annuelle stable. En commentant son affiliation aux anciennes autorités, R. Kocharian a indiqué que même s’il avait fait un chemin important avec Serge Sarkissian, ils se seraient éloignés au cours de dernières années. R. Kocharian a rappelé qu’il avait beaucoup critiqué les anciennes autorités et était le premier à critiquer les protocoles arméno-turcs. L’ancien Président a exprimé sa détermination à lutter et à prouver son innocence et a annoncé la publication de son livre autobiographique qui comprendrait des détails inédits. Rappelons que l’ancien Ministre de la Défense Mikael Haroutyunian a été accusé début juillet sur la base du même article (cf. revue du 04 juillet 2018). Le quotidien Hraparak rappelle que l’article 300.1 du Code Pénal « renversement de l’ordre constitutionnel par consentement préalable avec des tiers » n’existait pas en 2008 et a été rajouté en 2009 et que selon les conventions internationales, la personne ne peut pas être accusée pour des actions qui n’étaient pas considérées comme relevant du pénal au moment où elles ont été commises. Les quotidiens rappellent que selon la Constitution arménienne, R. Kocharain dispose d’une immunité et que la législation ne prévoit pas de mécanismes pour l’en priver. Le quotidien Hayots Achkarh rappelle que le Premier ministre Nikol Pachinian avait déclaré que « l’immunité ne constitue pas un obstacle empêchant de traduire en justice un individu ayant commis des crimes, peu importe sa position ou son poste ». A la demande de Robert Kocharian son interrogatoire a été filmé, mais le Service spécial de l’enquête indique que la vidéo ne sera pas rendue publique. Les quotidiens avancent que l’accusation de R. Kocharian aurait surpris voire choqué la société car, même après la révolution de velours, il était difficile d’imaginer que dès le premier interrogatoire l’ancien Président pourrait se trouver à quelques pas de la détention. Selon le quotidien Jamanak, cette tournure des évènements aurait également surpris Robert Kocharian qui s’était rendu à l’interrogatoire avec la détermination de « blanchir son nom ». D’après Jamanak la formulation de l’accusation comprenant la mention « des tiers » supposerait que d’autres arrestations seraient faites bientôt commençant par le Ministre de la Défense de l’époque Mikael Haroutyunian. Les quotidiens rappellent que le Secrétaire général de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) Yuri Khachatourov qui en 2008 occupait le poste de chef de la garnison d’Erevan, le vice Premier ministre de l’époque Armen Gevorgian et l’ancien chef de la police Alik Sarkissian ont également été interrogés par le Service spécial d’enquête. L’agence Armenpress indique que cet après-midi une requête a été déposée en vue de la mise en détention provisoire de Yuri Khachatourov. Jamank n’exclut pas l’interrogatoire futur des députés de l’époque qui avaient voté en faveur de l’instauration de la situation de l’urgence initié par Robert Kocharian. A cet égard, le quotidien Joghovourd rappelle qu’en 2008 c’étaient les partis « Arménie prospère » de Gagik Tsaroukian, « Etat de droit » d’Artur Baghdassarian et les Dachnak qui étaient en coalition avec les autorités. Dans son interview, R. Kocharian a bien constaté que la décision sur la situation d’urgence avait été validée par l’Assemblée nationale qui avait pourtant le droit de la rejeter. En commentant les obstacles soi-disant créés par les autorités pour empêcher la résolution de l’enquête du 1er mars 2008, R. Kocharian a déclaré que depuis le 9 avril 2008 il n’avait plus de pouvoir et donc ne pourrait créer aucun obstacle. Jamanak se demande comment et quand l’enquête concernera Serge Sarkissian, Premier ministre de l’époque, et vainqueur des élections présidentielles de 2008. Le quotidien Hayots Achkhar se demande quelle serait la réaction de la société internationale et surtout celle de l’Azerbaïdjan si l’Arménie jugeait son ancien Président qui était également l’un des leaders du mouvement du Haut Karabakh et le premier Président du Haut Karabakh. Dans son interview, R. Kocharian a déclaré « j’imagine avec quelle joie cette nouvelle serait perçue en Azerbaïdjan ». Selon R. Kocharian les accusations à l’adresse de l’élite de l’armée arménienne mettraient en péril la réputation de l’Armée ce qui n’est pas acceptable pour un pays en guerre : « L’adversaire profite des processus politiques internes ».

Rédaction : Lena Gyulkhasyan

Attachée de presse et de communication

Ambassade de France en Arménie

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