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Interview de Silva Khnkanosian : un premier film prometteur
Janvier 2018. Dans les montagnes du Haut-Karabakh, cinq femmes déminent systématiquement, mètre carré par mètre carré, le « corridor de Lachin », ancienne zone de combat truffée de milliers de mines. Le film désormais disponible en DVD rend compte de la méticulosité folle de leur labeur, de la tension qui en résulte, de l’humanité à l’œuvre pour conjurer la peur.
Ce documentaire nous plonge dans la vie surprenante d’un groupe de femmes qui travaillent comme démineuses. Dans un décor plongé dans le silence, ces femmes s’attèlent à la tâche avec la plus grande méticulosité. Ces archéologues vulnérables nous renvoient à une époque douloureuse de l’histoire arménienne lorsqu’au lendemain de l’effondrement de l’Union soviétique, il y a 30 ans de cela, la population arménienne du Haut-Karabakh a espéré une réunification avec la République d’Arménie.
Silva Khnkanosian a suivi une formation au Manana Youth Center, une organisation arménienne qui qui forme de jeunes artistes tout en aiguisant leur sens critique. Silva Khnkanosian travaille actuellement comme reporter et photographe. Nothing to Be Afraid of est son premier long métrage. Entretien.
Nouvelles d’Arménie Magazine : Pouvez-vous nous parler de votre parcours : comment êtes-vous arrivé au cinéma ?
Silva Khnkanosian : J’étais photographe documentaire. Un jour, pendant la recherche d’un nouveau projet photo, j’ai trouvé une idée pour un travail particulier… Et j’ai eu alors ma première idée de film.
NAM : Était-ce important pour vous de tourner votre premier long métrage au Haut-Karabakh ?
Silva Khnkanosian : La question n’était pas de filmer absolument sur place. Nous avons surtout tourné là-bas car il y avait un champ de mines. Et mon film parlait des démineurs.
NAM : Pourquoi ce titre, Rien à craindre ?
Silva Khnkanosian : Parce qu’il n’y a rien à craindre.
NAM : Vous avez suivi un groupe de démineurs entièrement composé de femmes. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce choix ? Vous considérez-vous comme féministe ?
Silva Khnkanosian : Dans cette entreprise, ils ont des femmes et des hommes employeurs. La première fois que je suis allée où ils travaillaient avec les mines, j’étais anxieuse parce que nous étions sur le territoire des champs de mines et, à ce moment-là, j’avais l’idée de filmer les gens, leurs émotions pendant ce travail. Quand je regardais leurs visages, il y avait une différence celles des hommes et celles des femmes. En regardant les visages de ces dernières, je pouvais comprendre à quel point elles sont fortes et à quel point leur travail pourrait être dangereux. Il ne s’agit pas d’être féministe, mais uniquement de parler de femmes qui ont survécu à la guerre au cours de leur vie.
NAM : Vous les filmez de près, mais il y a peu de dialogue dans votre film. Pourquoi ?
Silva Khnkanosian : Parce que le film parlait du travail et, pendant que vous travaillez, vous ne pouvez pas discuter car vous devez être concentré. En les filmant de près, je voulais dire à quel point vous devez travailler avec soin parce que vous n’avez pas le droit à l’erreur.
NAM : Le film a été tourné en 2018, il prend naturellement une dimension particulière après la récente guerre qui a éclaté… Comment avez-vous vécu cette guerre ?
Silva Khnkanosian : Suite à cette guerre, tout le territoire que nous voyons dans mon film est désormais contrôlé par l’Azerbaïdjan. Ce fait est politique, mais je ne veux pas que mes films soient liés à la politique.
NAM : Pourquoi est-il important que ce film soit diffusé en France, où il vient de sortir en DVD ?
Silva Khnkanosian : C’est important de le montrer en français et pas seulement, car le film parle d’un travail qui n’est pas régulier et ceux qui vivent en paix cela pourrait être quelque chose d’étrange et informatif. Ils peuvent voir la différence de réalité par rapport à nous.
NAM : C’est votre premier film … Et ensuite ?
Silva Khnkanosian : Mon deuxième portera sur la guerre, sur comment les gens vivent leur vie pendant la guerre. Le film ne parle pas de la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, il parle de la guerre en général, comment il est possible de vivre dans ces conditions. Le film parle de «non combattants» qui sont au centre de la guerre et qui doivent y survivre.
Propos recueillis par Claire Barbuti
Plus d’infos sur ce DVD : http://www.lahuit.com/