Votre panier est actuellement vide !
Charles Aznavour à jamais une étoile
Je vous parle d’un homme que quatre générations ont bien connu et qu’ont découvert les moins de 20 ans au fil du temps.
Avant lui, d’autres français d’origine arménienne avaient commencé à s’illustrer publiquement en France. Il y eut d’abord le grand chef maquilleur de cinéma Achod Chakatouny (1885-1957), l’un des premiers musiciens de jazz français André Ekyan (1907-1972), la Directrice de production et productrice de films Ludmilla Goulian (1903-2002), l’acteur Grégoire Aslan (Krikor Kaloust Aslanian, 1908-1982), le chef d’orchestre Jacques Hélian, (Jacques Mikaël Der Mikaëlian, 1912-1986), le Prix Goncourt Henri Troyat (Lévon Aslanovitch Tarassov, 1911-2007) et l’immense résistant Missak Manouchian (1906-1944). Mais c’est sans conteste la notoriété mondiale de Charles Aznavour qui inspirera une immense fierté à la communauté arménienne dès le début des années 1960, renforcée, plus tard, par sa nette implication pour la cause arménienne. Tant pour la reconnaissance du génocide de 1915, que pour la pénalisation de sa négation et bien évidemment pour l’Arménie elle-même.
Né à Paris, rue Monsieur-le-Prince, le 22 mai 1924, de parents arméniens, rescapés du génocide de 1915, Charles, se revendiquant « enfant de la rue », a de toujours vécu dans une atmosphère liée au théâtre et à la musique. Sa mère, Knar, étant elle-même comédienne dans la troupe du théâtre arménien de Paris et son père, musicien.
Tout a été dit et écrit sur la carrière de l’Artiste du XXème siècle (Time Magazine et CNN, 2009). Enfant de la balle, autodidacte, il s’est fait seul, avalant encyclopédies et dictionnaires. Après des débuts calamiteux, bravant la critique et les insultes, étant même censuré à la radio avec sa chanson « Après l’amour », le succès ne viendra qu’après un long chemin tortueux. C’est avec Sur ma vie (1956) qu’il se fait remarquer avant que sa carrière ne démarre définitivement avec Je m’voyais déjà, 1960, une chanson écrite après qu’il ait observé en Belgique « un humoriste qui n’avait rien pour réussir », et un titre qui fut refusé par Yves Montand à l’époque… Lui, avait commencé sa carrière artistique bien avant, comme acteur, dès l’âge de 9 ans dans La Guerre des gosses (Jacques Daroy,1936), cumulant par la suite plus de 60 films. Remarqué dans Tirez sur le pianiste (1960), de François Truffaut, Charles Aznavour a alors 36 ans…
En 1946, à 22 ans, il forme le duo de la chanson Roche et Aznavour avec Pierre Roche. Ils s’envoleront au Québec pour y rester un an et demi et participeront également aux spectacles d’Édith Piaf et des Compagnons de la chanson.
Avec ses chansons inoubliables, chantre de l’amour, vénéré de la gente féminine, et plus tard de la communauté homosexuelle pour avoir le premier mis des mots sur ce tabou (Comme ils disent, 1973), il aura accompagné près 5 générations de français et plusieurs millions de spectateurs dans 60 pays.
L’auteur, observateur des choses de la vie, aura lui-même tout dit, ou presque, dans les 1400 chansons qu’il a écrites. Des espoirs, en passant par les amours contrariés et déjà une nostalgie du temps qui passe (Sa jeunesse), pour s’intéresser ensuite aux sujets de société. Des ventes mondiales qui ont atteint les 150 millions d’exemplaires.
Ambassadeur de la culture française, Charles Shahnour Varenagh Aznavourian a bien mérité de la France. «J’apporte ce que je peux apporter à mon pays. Ce que lui m’a donné, je lui rends au centuple si je peux», avait-il confié lors d’une interview à la veille de son 92ème anniversaire. Il l’a si bien fait, qu’en soutien à ses parents Mamigon, Mischa Aznavourian et Knar Baghdassarian, qui cachaient Missak Manouchian et des Juifs dans leur appartement, qu’il fut lui-même appelé à résister, préposé qu’il était à se débarrasser des uniformes allemands des soldats tués par la résistance. Son rôle étant d’aller les jeter dans les bouches d’égouts de Paris. Pour ces faits de la famille arménienne, Charles a reçu des mains du président israélien, Reuven Rivlin, la médaille Raoul Wallenberg, le 26 octobre 2017.
Le combattant des levés de rideau, l’auteur amoureux des mots pour qui Impossible n’est pas arménien (L’Express,1965), fils de réfugiés et survivants du génocide des Arméniens, aura, jusqu’au terme d’une vie étincelante -dont le modèle était Charles Trenet- cumulé tant de récompenses et d’honneurs qu’ils colmateront ses blessures passées. Ce fut sa revanche sur un sort qui ne s’annonçait pas sous les meilleurs auspices malgré l’aide d’Edith Piaf qui lui prédira qu’il aurait une plus longue carrière qu’Yves Montand. Aujourd’hui son oeuvre demeure immortelle, reprise par des centaines d’interprètes à travers le monde.
Interrogé sur sa longévité artistique, Charles dira : «Si je ne chante plus, je meurs». Cette fatalité il l’avait intégré avec l’humour qu’on lui connaît : «Moi je m’amuse beaucoup avec la mort. Il faut s’habituer à l’idée qu’on va mourir. Ça se prépare.», avait-il dit, en substance, en décembre 2015, à l’occasion d’un documentaire, signé Mireille Dumas, consacré à Charles Trenet. Sa longévité, il l’a doit probablement aussi à ce regard d’enfant curieux qui ne l’avait jamais quitté et à une grande rigueur de vie.
Il aura été jusqu’au bout du bout de sa voix et de sa santé de fer. Aujourd’hui les ombres des dizaines de millions de ses admirateurs, aux fauteuils encore chauds de leur présence, applaudissent debout.
Enfin, il faut rappeler qu’au lendemain du séisme qui a frappé l’Arménie, le 7 décembre 1988, a été crée, sous son égide, l’association «Aznavour pour l’Arménie», une ONG dont les moyens ont permis et permettent des actions humanitaires au profit des populations arméniennes déshérités, enfants, malades, personnes âgées, ainsi que dans la construction et la réhabilitation de structures hospitalières, d’écoles et d’interventions en tout domaine. Le 1er juin 2017, le président de la République d’Arménie, Serge Sarkissian, lui remettra les clefs du Musée (Maison Charles Aznavour) qui lui est consacré à Erevan. Dans la foulée il créera, avec son fils Nicolas, la Fondation Aznavour.
Nommé premier ambassadeur délégué permanent de l’Arménie auprès de l’UNESCO (1995), puis ambassadeur d’Arménie en Suisse (2009), le 27 octobre 2016, l’artiste dont la longévité aura été celle méritant d’être inscrite au Livre des records, a reçu à Hollywood, de la main du sénateur de Californie Kevin de Léon, son ultime hommage décerné par la Chambre de commerce de Los Angeles : l’Étoile Charles Aznavour, qui désormais côtoie les stars internationales depuis octobre 2017 sur le fameux Walk of Fame d’Hollywood.
Pour ce qu’il a donné de bonheur aux français et au reste de la planète, lui l’artisan et l’homme libre, à la fierté des Arméniens éparpillés à travers le monde, Charles, juste un mot MERCI.
« Nous nous reverrons un jour où l’autre si Dieu le veut »
Avec nos pensées affectueuses à sa soeur Aïda, son épouse Ulla, à Séda, Katia, Mischa, Nicolas et ses petits-enfants.
Jean Eckian
27 septembre 1959 à Montfort Lamaury
Autobiographie
3 janvier 2004 dans « Tout le monde en parle », extraits de ses plus grands succès
Et comme il avait l’humour chevillé au corps