Des hauts fonctionnaires arméniens contraints au départ après la diatribe de Pashinian

Les chefs de l’organe de contrôle judiciaire et de deux agences chargées de l’application de la loi en Arménie, ainsi que trois membres du gouvernement, ont démissionné lundi, se pliant aux ordres du Premier ministre Nikol Pashinian.
De nombreux médias arméniens ont rapporté les ordres de démission dimanche en fin de journée, deux jours après que M. Pashinian a publiquement critiqué les organes judiciaires et les forces de l’ordre, affirmant qu’ils n’avaient pas réussi à mettre fin à l’impression d’absence de « justice » dans le pays au cours de son règne de plus de six ans.
M. Pashinian a confirmé lundi matin qu’il avait « demandé à un certain nombre de hauts fonctionnaires de quitter leur poste ».
« Les raisons de cette demande ne sont pas personnelles mais systémiques, et j’en ai parlé publiquement », a-t-il écrit sur Facebook. Il n’a pas donné plus de détails.
Parmi les fonctionnaires qu’il a forcés à quitter leur poste figurent Karen Andreasian, présidente du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Argishti Kyaramian, président du comité d’enquête, Sasun Khachatrian, président du comité anticorruption (CAC), Vahe Ghazarian, ministre de l’intérieur, Gnel Sanosian, ministre des infrastructures, et Rustam Badasian, président du comité des recettes de l’État.
« En apparence, tout est clair, mais je ne veux pas donner les raisons sous-jacentes », a déclaré M. Andreasian dans un communiqué confirmant sa démission.
Le président du Conseil supérieur de la magistrature, qui a été accusé par ses détracteurs d’avoir aidé M. Pashinian à supprimer l’indépendance de la justice au cours de ses deux années de mandat, a fermement défendu son bilan. Il a affirmé avoir « sorti le système judiciaire d’une crise honteuse ».
Le Conseil supérieur de la magistrature est un organe théoriquement indépendant chargé de surveiller les tribunaux arméniens et de les protéger contre toute ingérence. Certains des détracteurs d’Andreasian ont déclaré que le fait qu’il ait été évincé par M. Pashinian, tout comme les deux ministres, est une preuve supplémentaire que l’organe de surveillance judiciaire est contrôlé par le premier ministre.
M. Andreasian a également fait remarquer que « les demandes constantes du public en matière de justice n’auraient pas pu être satisfaites en deux ans ». Dans sa diatribe de vendredi, M. Pashinian a fait part de son mécontentement face à la lenteur des procès d’anciens responsables arméniens, notamment de l’ex-président Robert Kocharian, et des procédures de saisie d’actifs lancées à leur encontre.
M. Kyaramian, qui a été l’un des lieutenants de confiance de M. Pashinian, a publié une déclaration plus sibylline sur « ma décision de démissionner ». Il l’a vaguement attribuée à des « réévaluations internes découlant de la situation entourant les activités récentes du système général d’application de la loi ».
Le mois dernier, M. Kyaramian s’est retrouvé sous le feu des projecteurs des législateurs pro-gouvernementaux après s’être heurté à l’un d’entre eux lors d’une audition parlementaire à Erevan. L’homme de 34 ans s’est emporté après que le législateur, Hovik Aghazarian, a accusé le comité d’enquête d’essayer d’intimider les citoyens par des arrestations injustifiées ou des menaces. Selon des informations non confirmées, M. Aghazarian serait également contraint de démissionner.

Badasian, le responsable des impôts et des douanes, et le ministre de l’intérieur Ghazarian ont également défendu leur bilan, mais n’ont pas donné les raisons de leur démission. M. Ghazarian a vanté les « formidables réalisations » de son ministère, affirmant que lui et ses subordonnés « ont franchi l’étape difficile des réformes profondes et globales ». En revanche, M. Pashinian s’est plaint vendredi que les réformes judiciaires et d’application de la loi qu’il avait annoncées il y a plusieurs années n’avaient donné que peu de résultats tangibles.
M. Ghazarian est réputé être un ami d’enfance du premier ministre, ayant étudié dans la même école que ce dernier à Ijevan, le centre administratif de la province septentrionale de Tavush. Il était chef de la police d’une autre ville de Tavush, Dilijan, lorsque Pashinian a pris le pouvoir lors de la « révolution de velours » de 2018. M. Ghazarian a été promu à plusieurs reprises au cours des années suivantes et est devenu chef de la police arménienne en 2020.
La vague de démissions a alimenté les spéculations des médias selon lesquelles M. Pashinian souhaiterait relancer sa popularité en perte de vitesse avant les élections générales prévues en 2026, voire plus tôt. Même sa décision de se raser la barbe la semaine dernière a été interprétée par certains commentateurs comme faisant partie du même effort. M. Pashinian a cessé de se raser lorsqu’il a lancé sa campagne de 2018 en faveur d’un changement de régime.

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